Deux livres pour fêter la fin de l'année 2010…
1. Parution du premier livre des éditions iXe,
Le chantier littéraire MONIQUE WITTIG.
2. Exposition et catalogue PHOTO/FEMMES/FÉMINISME
Bibliothèque Marguerite Durand
HASARD, LITTÉRATURE, HISTOIRE
La pensée n’a pas d’âge, bien qu’elle ait une histoire. Mais le privilège de la pensée vivante sur celle émise par des personnes qui ne sont plus de ce monde, se situe peut-être dans sa disponibilité vis a vis de ce qui a lieu dans l’instant où elle se formule. Le poète Mallarmé le disait d’une autre manière : « Un coup de dé jamais n’abolira le hasard ». Le hasard veut qu’en cette fin d’année 2010, deux événements culturels nous renvoient aux questions que nous n’avons pas cessé de (nous) poser sur le sens que cela pouvait avoir de fêter, célébrer, raconter « 40 ans de mouvement ».
Ce deux événements sont : d’une part, l’apparition d’une nouvelle maison d’édition féministe, iXe, à l’occasion de l’arrivée en librairie de son premier titre « Le chantier littéraire » de Monique Wittig.[1] Et d’autre part, l’exposition « Photo/Femmes/Féminisme (1860-2010) » qui a lieu à Paris jusqu’au 13 mars 2011, assortie d’un catalogue publié par Paris bibliothèques.[2] Catalogue dans lequel on peut lire aussi les contributions de Michelle Perrot, Catherine Gonnard, Christine Bard, Venita Datta, Laure Murat, Françoise Thébaud, Michelle Zancarini-Fournel et Bertrand Tillier.
L’exposition se visite, mais le catalogue s’emporte, et le livre aussi. Nous les emportons donc sous notre bras pour les feuilleter, les regarder, les lire, en soupeser le poids présent et futur dans nos vies quotidiennes, l’influence sur notre façon de voir les choses. C’est notre privilège de roseaux pensants chers à Pascal. Et de pensées vivantes, par contraste avec toutes ces voix silencieuses qui nous parlent encore aujourd’hui.
1. LE CHANTIER LITTÉRAIRE est un texte que Monique Wittig termine en 1986, à Gualala, en Californie, « en vue d’obtenir le diplôme des Hautes Études en Sciences sociales de Paris » (Avant-propos de Sande Zeig dixit). Sa publication est une longue histoire de contretemps, marquée à deux reprises par la disparition des protagonistes du texte : celle de Nathalie Sarraute qui en est le sujet central en octobre 1999, et celle de son auteur en janvier 2003. La préfacière de la présente édition précise : « Durant les derniers mois de sa vie, Monique, Wittig, préoccupée par certaines questions relatives à la publication du manuscrit, reprend la rédaction du Chantier littéraire. » C’est donc un texte qui émerge de près de vingt années de réflexion. Avec sa clarté de langage habituelle, Wittig se penche sur la double question des rapports de l’écrivain à l’histoire littéraire et à l’histoire tout court. « J’appelle chantier littéraire l’espace chaotique où se fabriquent les livres », dit-elle. Et c’est de ce chaos qu’elle tente d’extraire du sens pour cet être à la fois solitaire et historique qu’est tout écrivain. Qu’elles aient ou non fait leur la remarque de Virginia Woolf sur le fait qu’ « il est néfaste, pour un écrivain, de penser à son sexe », Nathalie, Monique et les autres sont aussi des écrivains femmes (ou des femmes écrivains, comme on veut). Son texte semble tout entier travaillé par cette fracture, ou pourrait-on dire, par la difficulté qu’il y a pour l’individu écrivain à se servir d’un outil a priori collectif : le langage. Surtout quand celui-ci est véhicule d’une oppression que l’on subit –ou combat. Pour résoudre cette énigme, Monique Wittig suggère toutes sortes de stratagèmes qui sont la matière même du livre, et se déplace autour de son sujet afin de mieux en examiner toutes les facettes. C’est une enquête intérieure passionnante et complexe, écrite dans une langue précise dont la clarté, pourtant, ne parvient jamais à dissiper toutes les ombres. « On est aveugle dans le blanc de la page », rappelle-t-elle avec son bonheur d’expression habituel. C’est pourquoi sans doute LE CHANTIER LITTÉRAIRE est un texte en tension. Il part d’une utopie, celle du « langage premier (…), celui où le sens n’est pas encore advenu », pour aboutir à une autre utopie : « La solution finale est bien évidemment de supprimer le genre (en tant que catégorie de sexe) de la langue, une fois pour toutes, décision qui demande un consensus et qui demande forcément un changement de forme ».
Ce consensus, ce changement, sont les deux territoires que l’œuvre de Monique Wittig, tant littéraire que théorique, arpente inlassablement tels, osons l’image, les péripatéticiens de la philosophie antique. Mais ce périple d’une utopie à l’autre rehausse son caractère imaginaire. Comme si pour elle, la vie n’avait été qu’un rêve (« La vida es sueño », selon Pedro Calderòn de la Barca) et l’histoire (qu’elle soit littéraire ou des femmes), un cercle vicié par la question du genre.
2. Dans PHOTO/FEMMES/FÉMINISME, beaucoup plus linéaire et sans détours apparaît le projet de mettre en valeur la collection de la Bibliothèque Marguerite Durand et à travers elle, l’histoire des femmes qui nous ont précédées au cours de ces deux derniers siècles. De « la création par les saint-simoniennes des clubs et journaux défendant les droits des femmes » (1830) à « la célébration des 40 du MLF » (2010), les documents et leur présentation s’attachent à retracer la diversité des approches. Marguerite Durand, la fondatrice du journal féministe « La Fronde »[3] et les femmes qui ont travaillé ou défilé avec elle, y ont évidemment une place de choix. Celles qui ont œuvré et lutté pour la libération des femmes ont enfin un visage pour nous : Maria Deraisme, Clémence Royer, Hubertine Auclair, Nelly Roussel et sa fille Mireille Godet, Madeleine Pelletier et bien d’autres. « Leurs visages sont autant d’armes pour contrecarrer la caricature habituellement diffusée. Non, elles ne sont pas laides et difformes et elles ne manifestent pas avec des armes mais des fleurs à la main », souligne Florence Rochefort. On y rencontre aussi des célébrités de la Belle Époque, certaines plus connues pour leur émancipation (des courtisanes comme la Belle Otero aux « femmes habillées en homme » comme Marc de Montifaud) que pour leur féminisme. Des actrices et artistes (musiciennes, peintres, comme la magnifique Rosa Bonheur). Quesques-unes ont été amplement photographiées, comme Sarah Bernhardt, Loïs Fuller ou Polaire, la copine avec qui Colette a fait les 400 coups. Il y a des écrivains en veilles dames, Colette bien sûr et George Sand, ou en jeunes insoumises façon Sagan le goulot d’une bouteille de bière aux lèvres. Mais aussi des portraits et autoportrait de femmes photographes, à qui l’exposition fait la part belle, nous faisant découvrir ou redécouvrir les photographies de Berenice Abbott, Margaret Bourke-White, Germaine Krull, Gisèle Freund, Jeanine Niepce, Marie-Laure Dedecker, Catherine Deudon. Et surtout Sabine Weiss, dont le travail aperçu ici nous donne une certaine envie de voir une exposition qui lui soit entièrement dédiée. Mise en perspective par Catherine Gonnard, leur présence à à côté de celle d’un Nadar, prend un sens évident dans ce combat pour la visibilité des femmes, ici doublement engagées comme sujets et regards. Des femmes politiques, enfin, apparaissent ça et là, des communardes aux suffragettes… Jusqu’à quelques contemporaines dont le choix nous paraît évidemment plus aléatoire, puisqu’il s’agit d’une collection. Et discutable, puisqu’on se retrouve alors confrontée à la question de l’histoire « officielle », des actions symboliques, des témoins toujours partials, des personnalités oubliées ou omises, des choix politiques et autres insondables problèmes que l’approche historique nous pose. On remarque, par exemple, que la section consacrée aux femmes au travail n’apporte pas grand chose de nouveau –sinon la pertinence de ses commentaires. Enfin, terminer ce remarquable tour de manège sur une manifestation de Ni putes Ni Soumises, unique photo en couleur, est un choix qui ne paraît pas tout à fait évident. Au mieux, cette option donne à penser qu’en matière d’acquisitions photographiques récentes, la Mairie de Paris a encore des efforts à faire. On regrette aussi qu’une bibliothèque de cette envergure n’ait pas profité de l’occasion pour mieux faire connaître, via ce catalogue, les écrits qui ont jalonné cette histoire et l‘ont portée jusqu’à nous. Une bibliographie plus étoffée et un échantillon de ces textes rares aurait sans doute aidé à poursuive la réflexion amorcée par l’exposition.
Qu’elle soit engendrée ou construite, désirée ou octroyée, décidément, la postérité, ne va pas de soi. Pour les femmes en tout cas.
Et l’Histoire, moins encore.
« Nous qui sommes sans passé, les femmes/ Nous qui n’avons pas d’Histoire » : ce sont les premières paroles de « L’hymne du MLF », chantées au tout début des années 1970.
« Pas d’Histoire ». Il s’est trouvé, depuis, de nombreuses voix d’historiennes, de chercheuses ou de simples qui-dames pour regretter ce regrettable oubli, qu’il leur a semblé urgent de réparer. Ce qui fut fait, texte par texte, portrait par portrait, image par image, pièce par pièce. Un patchwork de l’histoire des femmes assemblé au fil des ans, à la manière des ouvrages dits de dames. Patiemment, obstinément et plus ou moins dans l’ombre. Il semblerait que ces dernières années, l’ombre soit un peu moins épaisse et que certaines initiatives aient même trouvé le chemin de la lumière. C’est à dire un peu d’écho dans la cacophonie culturelle ambiante. Et ces bouquins que nous avons sous le bras, là, au moment où ils viennent de paraître, en témoignent Regardons-les de plus près. Nous avons d’un côté un texte collage qui nous donne les clefs d’au moins deux œuvres littéraires (celle de Sarraute et celle de Wittig) : la littérature. De l’autre, des articles biographiques ou analytiques expliquant le contexte de documents historiques. Des patchworks dans le patchwork, en quelque sorte. Ensemble, ils forment les deux extrêmes d’un même motif. Chaque fois, un assemblage de textes inséré dans la mosaïque de la pensée des femmes. Qui, elle, ne meurt jamais.
Cathy Bernheim
[1] Une parution due notamment à Oristelle Bonis, créatrice des Éditions iXe, en coédition avec les Presses universitaires de Lyon. Le projet, surgi au colloque « Lire Monique Wittig aujourd’hui » qui s’est déroulé à Lyon en novembre 2009. L’appareil critique et les notices qui l’accompagnent sont l’œuvre de Benoît Auclerc (Université Jean Moulin Lyon 3), Yannick Chevalier (Université Lumière Lyon 2), Audrey Lasserre (Université Sorbonne Nouvelle Paris 3) et Christine Planté (Université Lyon 2).
[2] Sous la direction d’Annie Metz, conservatrice en chef de la bibliothèque Marguerite Durand, et de Florence Rochefort, historienne.
[3] Voir dans notre section « Livres » le compte rendu de la biographie de Marguerite Durand par Élizabeth Coquart. • Livres et revues
L'exposition
Photo / Femmes / Féminisme
1860-2010 Collection de la bibliothèque Marguerite Durand
du 19 novembre 2010 au 13 mars 2011
Galerie des bibliothèques / Ville de Paris
22, rue Malher Paris 4e / Métro : Saint-Paul
Du mardi au dimanche, de 13h à 19h
Nocturne les jeudis jusqu’à 21h
Tarif 6 € / 4 € tarif réduit / 3 € demi tarif
Commissaires de l’exposition :
Florence Rochefort, historienne et Annie Metz, conservatrice en chef de la bibliothèque Marguerite Durand
Bibliothèque Marguerite Durand
A l’occasion de la célébration des 40 ans du MLF.
Dans le cadre du Mois de la photo à Paris, novembre 2010.
La bibliothèque Marguerite Durand, présente sa collection de plus de 200 photographies retraçant 150 ans d’histoire des femmes et du féminisme.
Le parcours de l'exposition
- Marguerite Durand (1864-1936) et la Belle Epoque du féminisme
- Célébrités du monde des arts, du spectacle et des lettres
- Profession photographe côté femmes
- Métiers féminins, territoires masculins ?
- Femmes engagées, de la Commune aux années MLF
Le livre/catalogue
En écho à cette exposition le livre est édité sous le même nom
Photo / Femmes / Féminisme
1860-2010 Collection de la bibliothèque Marguerite Durand
par Annie Metz, Florence Rochefort
Préface de Michelle Perrot
Contributions : Christine Bard, Venita Datta, Catherine Gonnard, Annie Metz, Lare Murat, Michelle Perrot, Florece Rochefort, Françoise Thébaud, Bertrand Tillier.
Paris bibliothèques
www.paris-bibliotheques.org
Diffusion Actes Sud
Format 19 x 27 cm, 208 pages – 170 photos en noir et blanc
En librairie le 17 novembre 2010 - 39 €
La couverture du livre
Photo Berenice Abbot : La princesse Marthe Bibesco (1886-1973), aristocrate d'origine roumaine, connait dès son premier roman en 1908, Les Huit Paradis, le succès littéraire…
Berenice Abbot : Américaine à Paris, assistante de Man Ray, ouvre en 1926 un petit studio : une chambre, un tabouret lui suffisent…
Deux photographies de Sabine Weis qui avec Édith Guérin et Janine Niepce fait partie de ce courant de la photographie d'après-guerre que l'on a appelé "humaniste" : l'être humain est au centre du propos…
Homme dans le brouillard à Paris, 1950.
Clochard sur les bords de la Seine, 1949.
© Catherine Deudon, la manifestation du 6 octobre 1979 pour la défense du droit à l'avortement.
“On ne sait rien de l’admirable activité des femmes, et même les féministes
ignorent les trois-quarts de ce qu’ont fait, dans tous les ordres de préoccupations
humaines, leurs aïeules, leurs mères... ou leurs contemporaines”.
MARGUERITE DURAND, 23 janvier 1932, Le Quotidien.
Ainsi s’exprimait Marguerite Durand dans les colonnes du journal Le Quotidien quelques
jours après l’acceptation par la Ville de Paris des collections dont elle lui faisait don,
fondant ainsi la première bibliothèque féministe officielle. “Celles qui nient la production
intellectuelle de la femme ou la valeur de son activité (...) trouveront là les preuves de leur
erreur”, déclarait-elle aussi à L’Intransigeant.
Deux autres livres…
La frondeuse
Marguerite Durand, patrone de presse et féministe
Élizabeth Coquart
Payot, janvier 2010
Catherine Deudon
Un mouvement à soi
Images du mouvement des femmes 1970 - 2001
Éditions Syllepses 2003
"Depuis 30 ans, Catherine Deudon a suivi, l’appareil photo à la main, les mouvements de femmes en France . Elle en a saisi les moments collectifs. Elle a aussi capturé les portraits de ses figures les plus connues comme des plus anonymes. De ces photos qu’elle a accumulées, elle nous propose aujourd’hui une sélection qui trace les chemins d’un des mouvements qui ont le plus marqué la société française de l’après-Mai 68. Je suis tombée dans les révélateurs, les bains d'arrêts, et les fIxateurs d'images vers 16 ans, j'ai lu Simone de Beauvoir vers 17, j'ai rencontré mai 68 vers 28, le reste va comme de soi : mettre ensemble photographie et Simone de Beauvoir à 30 ans ajoute-t-elle dans son introduction qui ouvre ce recueil de photos.
Un livre d’histoires et d’Histoire".
Le livre
Le Chantier littéraire, un livre de Monique Wittig coédité par les Editions iXe et les Presses universitaires de Lyon
« Tout travail littéraire important est au moment de sa production comme un Cheval de Troie, toujours il s’effectue en territoire hostile dans lequel il apparaît étrange, inassimilable, non conforme. Puis sa force (sa polysémie) et la beauté de ses formes l’emportent. La cité fait place à la machine dans ses murs. Il faut qu’elle soit adoptée pour accomplir son travail de minage et de sapage des conventions littéraires et sociales et les dévoiler comme périmées, incapables d’opérer des transformations. »
Dans Le chantier littéraire, livre longtemps resté inédit, Monique Wittig pense ce qui a toujours été au centre de sa pratique et de son engagement : le travail même de l’écrivain, le processus de fabrication qui à partir du matériau brut des mots transforme le corps solide, opaque, du langage en œuvre conçue comme une machine de guerre. L’analyse à laquelle elle se livre rend à Nathalie Sarraute un hommage éclatant, tout en faisant une part importante à la nouvelle critique (les Formalistes russes, Jakobson, Todorov, Bakhtine, Genette) et au Nouveau Roman.
Qui a lu La pensée straight reconnaîtra dans Le chantier littéraire les textes ailleurs intitulés « Le cheval de Troie », « A propos du contrat social » et « La marque du genre », mais sous une forme pour partie modifiée, et présentés dans un ordre qui place au premier plan la littérature et les enjeux politiques du langage.
Langage, dit encore Monique Wittig, qui est à la fois matériel et abstrait, telle la lumière à la double nature corpusculaire et ondulatoire. « Les mots sont bien, chacun d’entre eux, comme le Cheval de Troie s’il était une statue, des choses matérielles et en même temps ils ont un sens. Et c’est parce qu’ils ont un sens, c’est dans leur sens, qu’ils sont abstraits. »
Sous sa forme originale, Le Chantier littéraire fut d’abord un mémoire présenté en 1986 à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales. Maintes fois repris ensuite par Monique Wittig en vue de sa publication, il s’accompagne dans la présente édition d’un appareil critique (préface, notes et notices) qui, en éclairant le contexte littéraire et intellectuel dans lequel il a été écrit, en précisant la portée de ses audaces formelles et stylistiques, invite à (re)découvrir l’ensemble de l’œuvre wittigienne.
L’auteur
Lauréate du Prix Médicis en 1964 pour L’Opoponax, Wittig est de celles qui dès avant 1970 ont joué un rôle important dans l’apparition du mouvement de libération des femmes : le roman Les Guérillères est paru en 1969, Le Corps lesbien en 1973. En 1976, Wittig écrit Brouillon pour un dictionnaire des amantes avec Sande Zeig et quitte la France pour les Etats-Unis. Elle publie Virgile, non (1985), et se consacre à l’écriture, en français et en anglais, de courts textes de fiction ou théoriques recueillis dans Paris-la-politique et dans La Pensée straight.
Féministe matérialiste, Wittig a très tôt dénoncé la construction idéologique qui, en présentant la différence sexuelle comme fondamentalement naturelle, légitime de fait la subordination du féminin au masculin, i.e. la domination de la classe des hommes sur la classe des femmes, i.e. l’assujettissement et l’appropriation des femmes par les hommes.
Se revendiquant logiquement d’un lesbianisme matérialiste, c’est en tant qu’écrivain qu’elle s’emploie dans ses romans et ses essais à dénoncer le régime politique de l’hétérosexualité et le statut de serves, d’esclaves qu’il assigne aux femmes. Seules les lesbiennes, parce qu’elles le fuient, s’en affranchissent. D’où la formule retentissante : « la-femme n’a de sens que dans les systèmes de pensée et les systèmes économiques hétérosexuels. Les lesbiennes ne sont pas des femmes ».
Les éditions iXe
PAGE DE PRESENTATION (¿ iXe ?)
Structure légère et indépendante, iXe est une maison d’édition dont la création, délibérément décidée en temps de crise économique, sociale et politique, trouve fortuitement à se concrétiser au terme de l’année 2010, riche en manifestations et commémorations autour des 40 ans du mouvement de libération des femmes.
iXe s’inscrit dans le paysage d’un féminisme contemporain traversé de lignes de force et de lignes de faille qui dessinent ses perspectives et orientent ses points de vue. Elle s’est formée au cours d’une expérience longue d’une vingtaine d’années, entamée aux éditions côté-femmes avec la publication de grands textes du féminisme matérialiste (Nicole-Claude Mathieu : L’anatomie politique ; Colette Guillaumin : Sexe, race et pratique du pouvoir), poursuivie ensuite à « La Bibliothèque du féminisme » (L’Harmattan).
Au début des années 1990, l’envie d’éditer reposait sur un double constat : les maisons traditionnelles avaient sacrifié leurs « collections femmes », et la production théorique encouragée par l’apparition des cursus d’études féministes ne trouvait pas de diffusion. Les choses à cet égard ont changé – en mieux, sous la menace du pire. Il se publie aujourd’hui beaucoup de livres, et beaucoup d’excellents, alors que nous vivons une époque inquiétante, brutale et régressive. Les catastrophes qu’elle produit et celles qu’elle annonce sont pour beaucoup, c’est sûr, dans ce regain d’activité éditoriale, intellectuelle et critique et dans les nouvelles mobilisations militantes.
iXe se crée pour participer à ce mouvement à sa manière, pour aider à consolider les lignes de force du paysage où elle habite et à en baliser les lignes de faille, signaler les intersections des formes multiples de l’oppression, tracer des tangentes dont les lignes de fuite dégageraient l’horizon des utopies.
La lettre sous laquelle elle s’affiche exprime la clandestinité, l’anonymat, le classé secret ou classé obscène, l’indifférenciation et la multiplication, le sexe, la sexualité, la potentialité de la sexuation. iXe endosse cette polysémie troublante en se plaçant par jeu sous le signe neutre de l’algèbre [iXe = l’inconnue de l’équation]. Elle s’attribue la marque du genre pour la poser en question.
Minuscule ou majuscule, x/X aux multiples significations dit le secret, l’anonymat, l’indifférenciation, et paradoxalement aussi le sexe, la sexuation, la sexualité.
Ecrite en toutes lettres, i-X-e, s’attribue la marque du genre pour en jouer sérieusement et la poser, à son image, en inconnue de l’équation, variable d’un langage algébrique idéalement neutre, universel.
iXe se décline en cinq collections, imaginées pour prolonger et élargir le travail accompli à « La Bibliothèque du Féminisme », dont elle est directement issue :
racine de ixe pour des textes radicalement féministes
xx-y-z sur les glissements du genre, leurs effets de brouillage ou de surdétermination des catégories de sexe
ixe prime pour la fiction et pour l’imaginaire
fonctions dérivées pour les récits de vie et les bouts de parcours, biographiques ou autobiographiques
la petite ixe pour des curiosités de toute nature, lettres, discours, tracts ou chansons