PROSTITUTION : PÉNALISATION DES CLIENTS !
Quand on est petite fille et que l'on pense le monde autour de soi, la beauté de l'univers et la tristesse de la mort, on se demande si ce que l'on voit est bien réel et si sous l’amour, il y a vraiment la plage.
On le croit un temps, mais pas longtemps car le monde se charge de nous informer des dangers qui nous guettent, de plus en plus précis au fur et à mesure que l’on grandit. Des menaces spécifiques qui pèsent sur le destin des filles avant de planter leurs griffes, parfois, dans leur cœur.
Avec "le mouvement", les femmes des années 70 ont refusé cet héritage de dépendance, d’oppression et de violence. « C’est la guerre des sexes, et cette guerre, ce n’est pas nous qui l’avons déclarée » ont dit les femmes du MLF. Pour se libérer, chacune et ensemble, elles ont dû penser, formuler et effectuer une rupture irréversible avec le malheur programmé et sûrement, la plus vieille oppression du monde. Ce malheur aux multiples visages que l’on prédisait alors à celles qui clamaient : « Notre corps nous appartient. »
Et si maintenant, cet héritage, nous l’abolissions ?
Alors, peut-être que mon frère s'arrêterait de prôner devant mes neveux et ma nièce (11 ans) que les hommes qui sont des hommes ont des besoins et que tous les hommes sont allés voir des Putes. Et que les femmes sont des femmes (il veut peut-être dire des Putes).
Est-ce qu'alors ma niaise de nièce serait plus libre de sa sexualité naissante et de son corps et ses mouvements, alors qu'elle se trémousse devant les hommes comme la future Femme qu’elle croit devoir être…
Est-ce que ma nièce pourrait grandir, aller vers son avenir libre et indépendante, sans attendre son identité pleine des autres ou de l'autre, cet autre qui la fera épouse, maman et/ou putain ?
Peut-être… Alors signons-le cet armistice !
CB & MR
Photo © Irène Bouaziz - Yes we scan - 40 ans de mouvement - Manifestation : Reprenons la nuit, 10 juin 1974
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Prostitution FEMEN dit "oui à la pénalisation des clients
PAS DE DEMANDE, PAS D'OFFRE / YOU DON'T BUY, I DON'T SELL
Photo : DMITRY KOSTIUKOV tirée de la campagne des Femen pour la pénalisation des clients.
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Le débat fait rage : deux réponses féministes aux Mâles débou(r)ssolés.
LiBÉRATION
Allez les salauds, tous au Bois de Boulogne
Annette LÉVY-WILLARD Journaliste à Libération 30 octobre 2013 à 18:26
TRIBUNE
J’adore les hommes modernes, so chic, ceux qui ont le courage de se mouiller, de monter au front, de ne pas avoir peur d’être à la une de la presse et sous l’œil enamouré des caméras - c’est un métier -, qui ne craignent pas d’attaquer la vague du politiquement correct, de se frayer une voie à travers les hordes féministes. Ils se battent, ces hommes, ces vrais ; d’ailleurs, dans leur manifeste des «343 salauds» (lire Libération d’hier) ils l’écrivent, comme cela, on n’a plus de doute. «Nous sommes des hommes», annoncent-ils. Pourquoi ne pas avoir précisé dans ce texte «Et on a des couilles ?» Puisque c’est cela dont on parle, de leur juste lutte pour conserver un droit (de l’homme) fondamental dans toute société humaine : le droit à leur pute.
Comme ils sont modernes, nos Beigbeder, Zemmour et Bedos (junior), ils savent ce qui fait une bonne campagne de pub : tu reprends deux manifestes historiques «politiquement corrects» et tu les détournes pour faire provoc. So hip darling. Le plus ancien, le plus ringard, c’est évidemment le «Manifeste des 343 salopes», publié en 1971. Ces femmes célèbres qui déclaraient avoir avorté alors que c’était encore un crime dans la vieille loi française, en espérant faire avancer le droit des femmes à leur corps, à la contraception et à l’avortement. Plutôt que de se faire charcuter dans une officine clandestine. Un coup médiatique qui, cette fois, servait à quelque chose. Bon alors on pique l’idée et cela donne chez nos vrais hommes modernes : «La pétition des 343 salauds». Boys you’re so brilliant !
Autre manifeste historique : après les femmes, le racisme. On pique l’idée si bêtement catho dégoulinante de «Touche pas à mon pote». Et voilà, yes we got it ! On vole les idées progressistes et on les retourne comme des chaussettes en idées réacs, pour la défense de nos couilles menacées. Ce sera la pétition, publiée la semaine prochaine dans le mensuel Causeur, «Touche pas à ma pute ! Le manifeste des 343 salauds», signée par les hommes modernes de la France du XXIe siècle, Frédéric Beigbeder, Eric Zemmour, Nicolas Bedos, Richard Malka (avocat de DSK, lequel n’a pas signé…).
Avec l’audace inouïe qui caractérise cette avant-garde de la pensée, il s’agit de réveiller la France avant qu’elle ne commette l’irréparable avec une loi (par ailleurs discutable) pénalisant Le Client. Persécution ! Le malheureux n’est pas debout dans le froid, à poil, sous le périphérique, surveillé par le mac. C’est un drive-in, Le Client arrête sa bagnole, baisse la vitre et commande, et en plus de payer, ce qui déjà est douloureux, il faudrait qu’il risque une amende et la taule ?
Et, soudain, je me demande pourquoi ces hommes modernes que j’adore, semblent si tournés vers le passé : c’est le plus vieux métier du monde… c’est donc la nature ? Depuis la plus haute Antiquité… OK, des choses ont changé, elles ont la pilule, le droit de vote, le viol est un crime, mais laissez-nous le plus vieux métier du monde. Please ! Ces histoires de féministes, de pilules et de capote, ça nous gonfle (c’est le cas de le dire), clament-ils sur papier ou, mieux, face aux caméras, espérant qu’on va les frapper, laissez-nous jouir sans entraves - là encore le slogan de la libération sexuelle pour tous kidnappé. On est en démocratie, disent-ils, protégeons notre liberté. Notre fraternité. Notre égalité.
Je suis pour.
Les garçons soyez braves, défendez vaillamment nos valeurs de liberté et d’égalité au péril de votre santé. Vous avez la liberté d’aller ce soir au bois de Boulogne travailler en toute égalité avec les filles (et les autres), allez comme elles, vos amies les putes, faire une ou plusieurs pipes aux camionneurs qui vous donneront quelques billets dans un simple échange commercial. Just Do It.
Annette LÉVY-WILLARD Journaliste à Libération`
LiBÉRATION
Luc, ses clients et les réalités de la prostitution
Thalia BRETON Militante féministe, ancienne porte-parole d’Osez le féminisme ! 28 octobre 2013 à 18:06
Avertissement. Luc Le Vaillant, dans l’édition du 22 octobre de Libération, a imaginé une vie de cliente de la prostitution pour Najat Vallaud-Belkacem. Le débat sur la prostitution est nécessaire et légitime mais pour être utile, il ne peut pas être placé sur le terrain des fantasmes, des idées reçues et des mensonges. Proposons donc à Luc Le Vaillant une fiction plus réaliste, directement inspirée des multiples témoignages de prostituées, d’anciennes prostituées et des associations qui les aident.
Luc se prostitue. Quand Luc se lève le matin, il a mal aux jambes et aux mâchoires. Il a aussi mal à l’estomac, un peu tout le temps. Il a envie de dormir, d’oublier. Avec les clients, Luc n’utilise pas son vrai prénom : il se fait appeler Nicolas. Il n’utilise pas, non plus, toujours de préservatif, parce que certains clients refusent et qu’ici plus qu’ailleurs, le client est roi. Luc ment pour faire croire aux clients qu’il a toujours envie, qu’il consent, qu’il est d’accord. Il ment quand il leur fait des compliments. Mais sa réalité, c’est la violence du rapport sexuel, sans désir, répété plusieurs fois dans la journée. Luc ne veut pas des clients, il veut juste leur argent. Il y a ceux qui lui ont crié dessus, mis la main à la gorge, voulu renégocier le prix de la passe quand ils ont trouvé son sexe trop petit, vu sa cicatrice sur le torse, découvert ses dents abîmées. Il y a ceux que la société excuse, au nom d’une prétendue misère sexuelle. Il y a ceux auquel la société donne tous les droits, parce qu’ils ont le statut social qui protège. Mais Luc, lui, le sait : ce que ses clients achètent avant tout, c’est le droit de disposer de lui, de l’humilier. Sa réalité, c’est la peur, la honte, le sang, l’humidité, le froid, l’eau de Javel dont il s’asperge la peau pour masquer les odeurs. Luc sait que s’il continue, il va mourir. L’espérance de vie des personnes prostituées ne dépasse pas les 40 ans.
Allez, rassure-toi Luc, tu n’es pas prostitué. Tu avais peu de risque de le devenir. 90 % des personnes prostituées sont des femmes. Autant sont prisonnières des réseaux de proxénétisme et de traite. Et, si l’entrée dans la prostitution est multifactorielle, les trajectoires se ressemblent : violences sexuelles, physiques, psychologiques, situations familiales instables, précarité, puis rencontre avec le milieu de la prostitution : un proxénète ou un client qui déclenche le passage à l’acte. Aucune prostituée n’a pensé, réfléchi, choisi la prostitution comme un projet de vie, à l’adolescence, avec un conseiller d’orientation.
Dans la vie, Luc, tu ne te prostitues pas, tu écris des articles où tu défends ce que tu oses appeler «le sexe affaibli», ce qui n’est pas la moindre des provocations quand on sait à quel point ce monde est dominé par les hommes. Tu as un sacré courage : tu défends le droit des hommes à obtenir par l’argent ce que la loi leur défend d’imposer par la force. En fait Luc, j’ai une mauvaise nouvelle : tu crois être rebelle contre le politiquement correct que les méchantes féministes veulent selon toi imposer, mais tu confonds juste idéologie libertaire et domination libérale. Ce soir, tu rentreras tranquillement chez toi, sans jamais penser sérieusement que la prostitution puisse devenir le métier de ta fille, de ta mère, de ta femme, de ta sœur. Tu ne leur conseilleras jamais de suivre un «CAP prostitution» pour apprendre à faire une bonne fellation, sans salir le pantalon du client. Si l’une d’elle se retrouve au chômage, tu ne voudras pas que Pôle Emploi imite le modèle allemand et leur propose un job dans un eros center où, quelques mois par an, leur proxénète décidera de solder la formule tout compris - sexe + dîner + boisson à moitié prix.
Luc, tu n’as rien compris à la prostitution mais ce que tu as bien compris en revanche, c’est qu’elle est la dernière des violences faites aux femmes dont les auteurs ne sont pas punis et que ses défenseurs comme toi peuvent la promouvoir comme un libre commerce. Quand la prostitution sera abolie, tu le sais, un des principaux verrous de la domination masculine aura sauté et l’égalité entre les femmes et les hommes aura connu une avancée historique. Alors tu préfères caricaturer les militantes et militants abolitionnistes. Tu veux qu’on te dise que la prostitution est légitime, consentie, sympathique, glamour. Que soient abîmées l’intégrité physique et la dignité humaine de dizaines de milliers de personnes, tu t’en fiches. Luc, tu domines, tu veux continuer de dominer.
Thalia BRETON Militante féministe, ancienne porte-parole d’Osez le féminisme !
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JOURNÉE INTERNATIONALE DE LUTTE
CONTRE
LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES
Manifestation
Samedi 23 novembre 2013
14h30 place du 18 juin
carrefour rue de Rennes / bd du Montparnasse
Pénalisation des clients, maintenant !
Le projet de loi sera présenté au vote de l'Assemblée Nationale le 27 novembre
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S'engager et télécharger le dossier de presse :
http://abolition13avril.wordpress.com/
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À l'assemblée Nationale
Communiqué de
Catherine Coutelle,
Députée, Vice-Présidente de la Commission spéciale « Système prostitutionnel »,
Présidente de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale
Guy Geoffroy,
Député, Président de la Commission spéciale « Système prostitutionnel »,
Maud Olivier,
Députée, Rapporteure de la Commission spéciale « Système prostitutionnel »
La commission spéciale « système prostitutionnel » installée
Cet après-midi, la Commission spéciale « système prostitutionnel » a été officiellement installée à l’Assemblée nationale, et son bureau élu. Guy Geoffroy (UMP) en sera le Président et Maud Olivier (SRC) la rapporteure.
Cette instance s’inscrit dans la continuité du travail mené ces derniers mois au sein de la Délégation aux droits des femmes présidée par Catherine Coutelle, qui a abouti au rapport Olivier adopté à l’unanimité, et à la première version de la proposition de loi Olivier – Coutelle déposée en octobre, afin de renforcer la lutte contre le système prostitutionnel.
La Commission spéciale va maintenant affiner le texte de cette proposition. Ses travaux démarreront dès demain. Objectif : le soumettre au vote en première lecture dans l’Hémicycle le 27 novembre prochain.
Le travail de la commission visera notamment à préciser les quatre piliers permettant de renforcer la lutte contre le système prostitutionnel : mieux agir contre les réseaux de traite et de proxénétisme; accompagner globalement les personnes prostituées, notamment en les aidant à sortir de la prostitution ; renforcer l’éducation à la sexualité et la prévention ; interdire l’achat d’acte sexuel et sanctionner les clients.
Ce travail continuera de se faire dans le cadre transpartisan initié dès la mission d’information Bousquet – Geoffroy, dépassant les clivages politiques.
Au sein du Bureau de la Commission, la répartition des Vice-président-e-s Catherine Coutelle (SRC), Marie-George Buffet (GDR), Ségolène Neuville (SRC), Charles De Courson (UDI) et des Secrétaires Laurence Dumont (SRC), Gwendal Rouillard (SRC), Virginie Duby Muller (UMP), Sergio Coronado (Ecolo) permettra d’assurer la représentation de l’ensemble des groupes parlementaires.
« Spéciale », la Commission qui va siéger quelques semaines l’est parce qu’elle est créée temporairement, car elle touche à plusieurs domaines d’expertise des différentes Commissions permanentes de l’Assemblée. Elle simplifiera le travail en le rendant plus cohérent et en permettant d’avancer rapidement vu les nombreuses étapes précédentes et la somme d’information parlementaire disponible sur le sujet.
Ce travail doit permettre d’aboutir à une loi luttant plus efficacement contre la violence qu’est la prostitution.