Re-Belles. 40 ans du mouvement de libération des femmes , MLF Appellation d'Origine Incontrôlée. Objectif : FÉMINISTES TANT QU'IL FAUDRA !
Fatima Lalem
Le féminisme comme facteur de transformation sociale
Je veux remercier toutes les militantes de l’association des 40 ans du MLF qui ont pris de multiples initiatives tout au long de cette année. Pour le Maire de Paris et pour moi-même, c’était une évidence de soutenir ce combat. Plus qu’une évidence, une nécessité. Je voudrais dire merci à : Martine Storti, Françoise Picq, Liliane Kandel, Monique Dental, ainsi que Chahla Chafiq, Wassila Tamzali avec lesquelles j’ai eu le plaisir de participer à la préparation de ce congrès . Comme à l’image du Mouvement, cette préparation s’est faite dans une ambiance de sororité, de gaîté, et de vivacité mais aussi dans une ambiance où l’analyse et la réflexion se sont accompagnées d’un dialogue critique.
Les années 1970 ont été marquées par une mobilisation des femmes sans précédent, qui s’est caractérisée par un foisonnement d’idées, la constitution de groupes et d’espaces de débats multiples, d’actions nombreuses, spontanées ou organisées. Tout cela dans une même convergence fondamentale : celle d’une volonté farouche de remettre en cause de façon irréversible le rapport de domination, dans toutes ses composantes, d’un sexe sur l’autre. Voila ce qui constituait ce que l’on a appelé le Mouvement de libération des femmes qui voulait ériger les revendications féministes au rang de lutte politique avec une remise en cause radicale de l’oppression à tous les niveaux : du corps à l’insertion professionnelle en passant par la famille et la sexualité.
Les femmes du MLF ont été réellement révolutionnaires, faisant irruption et scandale dans une société machiste qui ne voulait ni les voir ni les entendre. Elles ont investi par leur discours et leurs actions l’espace public et le champ politique ouvrant le chemin de 40 ans de revendications et de luttes pour les droits des femmes. Et ce n’est pas un hasard si aujourd’hui, au détour d’une année de mobilisation la nouvelle donne féministe est profondément questionnée. Ainsi, porter un regard historique sur le Mouvement et ses évolutions en lien avec les mutations sociales qui ont transformé notre société participe non seulement de la compréhension du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui mais aussi de la mise en visibilité de l’apport du féminisme comme facteur de transformation sociale, hier comme aujourd’hui.
Le monde des années 70 n’est plus ! La mondialisation des enjeux socio- économiques, la révolution technologique, la crise économique et financière configurent le cadre de référence dans lequel nous vivons aujourd’hui ….et l’histoire de l’oppression des femmes se perpétue à des degrés divers selon les continents et les pays. Malgré des avancées indéniables, le poids de la domination masculine, les violences à l’encontre des femmes et le sexisme ordinaire nous interpellent encore fortement. Ce mouvement fut global, politique, culturel et sociétal et ne se réduisait pas aux seules luttes pour l’avortement et la contraception ou à la lutte contre les discriminations etc.
Par ailleurs, le fait que le rôle politique des mouvements féministes soit partout minimisé, et cela a été souligné à maintes reprises, contribue non seulement à donner une représentation géopolitique de la domination occidentale sur le monde, notamment par rapport aux droits des femmes, mais cela rend aussi inefficaces les affirmations sur l’universalité des droits. En France, dans cette société démocratique, le paradoxe est accablant ; alors que les droits des femmes ont incontestablement évolué favorablement en 40 ans, alors que plus généralement le niveau d’éducation, l’accès et la qualité des soins, la production et l’accès aux biens et services et la qualité de vie de nos co-citoyens se sont relativement améliorés, que l’informatique et ses dérivés ont révolutionné nos modes de communication et nos modes de vie dans ces dernières décennies, les combats portés par les féministes dans les années 1970 sont toujours d’actualité et demeurent une grande nécessité. Que l’on regarde les inégalités salariales, le plafond de verre, la double, voire triple journée assumée quasi exclusivement par les femmes…le diagnostic est sans appel.
Ce constat est évidemment exacerbé par un contexte politique régressif caractérisé par une idéologie rétrograde et restrictive des droits fondamentaux et cela sous prétexte de réformes novatrices. Celles-ci ne sont en réalité que des contres réformes néolibérales, dont la virulence est amplifiée par le contexte de crise économique dans lequel nous sommes aujourd’hui englués. L’exemple le plus récent et non des moindres est celui de la réforme des retraites ; bien qu’elle vienne renforcer les inégalités scandaleuses, cette question n’a été traitée qu’à la marge, tant sur la scène politique que médiatique. Sous le double prétexte que notre législation française intègre aujourd’hui le corpus des droits des femmes et qu’une crise est en cours, le politiquement correct voudrait nous imposer le diktat du « tout est réglé pour les femmes, n’en parlons plus ». Pire, le gouvernement actuel, tout en supprimant les instances et les moyens politiques et financiers des droits des femmes, les instrumentalise par des discours et une politique d’affichage et la manipulation est à son comble lorsque sont instrumentalisés nos droits constitutionnels, comme ce fut le cas dernièrement dans ce pseudo débat sur l’identité nationale
A contrario, silence radio sur des faits graves qui se produisent dans le sacro saint de la laïcité qu’est l’école avec la diffusion par un enseignant d’histoire d’un film anti-IVG encore plus gore que « Le cri silencieux » et qui porte atteinte fondamentalement au droit de disposer de son corps, aux principes de prévention et d’éducation. On peut imaginer l’impact psychologique désastreux auprès des jeunes élèves auxquels cet enseignant s’est adressé pendant plus de deux ans avant qu’il ne soit suspendu seulement pour 4 mois…. soit une quasi impunité alors que les droits des femmes et la laïcité sont gravement bafoués. Cette instrumentalisation de nos droits se retrouve amplifiée lorsqu’on regarde du côté des instances internationales. Le décalage entre l’affirmation d’objectifs généreux comme ceux du Millénaire portés par l’ONU et le cynisme qui se joue à pas feutrés notamment par l’élection de l’Iran à la commission de la condition de la femme aux Nations Unies en est un exemple patent.
Un autre exemple édifiant. Rappelons-nous l’émotion et les mobilisations internationales sur le sort des petites filles et des femmes afghanes qui avaient accompagné l’intervention d’octobre 2001 dans ce pays, et qui ont souvent été présentées comme une des justifications de cette intervention militaire. Aujourd’hui le deal et le message portés par le gouvernement afghan validés par les puissants de ce monde consistent à dire : « opprimez les femmes autant que vous voulez mais cessez de nous faire la guerre. » Cet odieux marchandage n’est évidemment pas nouveau mais il prend un sens particulier dans le contexte géopolitique actuel. Ici en France, régulièrement une ou deux fois par an, on assiste à des manifestations ou à la dénonciation, certes légitimes, du sort abject réservé à telle ou telle femme, symbole de notre bonne conscience collective. Pendant ce temps, le fémicide au Congo et dans d’autres contrées du monde se poursuit, une femme sur cinq est victime de viol ou de tentative de viol au cours de sa vie, les violences sexuelles et notamment les mutilations génitales touchent plus de 130 millions de femmes par an dans le monde. Et des millions de femmes survivent marquées à jamais par des séquelles des multiples violences, jeunes filles vitriolées, petites filles excisées, jeunes filles aux seins mutilés au Cameroun et j’en passe.
Alors, oui, il faut dénoncer et agir face à tous ces actes barbares et cela est une absolue nécessité certes, mais l’action, notre action est aussi frontalement confrontée à diverses questions : celle de l’assignation spécifique des femmes à la religion et à la culture, celle de l’idéologisation de la religion, celle du relativisme culturel, celle de l’essentialisme. Ces questions se posent aux féministes, elles les confrontent, les divisent. Alors il me semble que nous devons toutes affirmer, quel que soit notre positionnement, que le combat politique féministe aujourd’hui est une absolue nécessité pour réinvestir réellement le projet politique de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Permettez moi de conclure par une petite note d’espoir et de satisfaction en félicitant les jeunes générations, en leur disant bravo : bravo à toutes celles qui veulent le féminisme, à celles qui l’osent, à celles qui le revendiquent. Oui soyons toutes fières de nos combats d’hier, et de ceux à venir dans leur pluralité et leur diversité.
Martine Storti
Pourquoi ce congrès
Ce congrès se tient dans le cadre des « 40 ans du MLF », anniversaire célébré au long de cette année 2010. Il n’était pas écrit à l’avance que les 40 ans du MLF serait objet et sujet d’un anniversaire. A-t-on fêté les 10 ans, les 20 ans, les 30 ans ? Non, tandis qu’à chaque décennie revenait la célébration de mai 68. Il y a eu les « 40 ans du MLF » parce que quelques-unes l’ont décidé. C’est ainsi : les « 40 ans » furent avant tout le fruit d’une décision. Et parce que cette décision a été prise, d’autres, nombreuses, multiples ont suivi : décisions de faire des expositions de photos, de projeter des films et des vidéos, d’écrire des livres, de réaliser des documentaires, des émissions de radio et de télévision, d’organiser des débats, des journées d’études, des rencontres, de se rassembler dans les rues ou sur une esplanade, de créer un blog, de faire des fêtes ou, nous y sommes, de se réunir en congrès.
Nourris d’abord d’un désir et d’un devoir de transmission, les « 40 ans » ont été un regard sur le passé, faisant remonter des années 70 des visages, des noms, des rires et des larmes, des slogans, des événements, des textes, des analyses, des luttes. Ils n’ont cependant pas eu qu’un enjeu rétrospectif, d’abord parce que ce passé pouvait, par ses thèmes et ses combats, avoir une incidence sur le présent. Il y a en effet une sorte d’actualité du passé, j’ai envie d’ajouter hélas, par exemple en constatant qu’un manifeste a été lancé contre le viol en 2010 alors que nous avions, en 1976, c’est-à-dire il y a 34 ans, déjà rédigé un tel manifeste. Par ailleurs, cette célébration s’est ancrée dans le présent parce qu’elle a permis et favorisé l’établissement de contacts et de liens avec les générations suivantes. Placé en décembre, ce congrès ne clôt pas cette année fertile, car rien ne se termine jamais, et surtout pas ce mouvement des femmes qui vise une libération sans cesse inachevée ; il vient plutôt en scansion finale, car il nous a paru nécessaire de terminer l’année 2010 avec une initiative délibérément tournée vers le présent et l’avenir, de surcroît internationale puisque la libération des femmes ne peut se déployer dans un seul pays.
Autre précision à donner d’emblée, puisque la question est souvent posée : pourquoi ce mot de congrès plutôt que colloque ou rencontre ? Plusieurs raisons à ce choix. D’abord comme un clin d’œil aux congrès féministes internationaux qui se sont tenus dans de nombreux pays à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle et qui étaient un lieu et un temps de rencontres entre des intervenantes venues de différents pays. Celui-ci le sera aussi, puisqu’il s’étale sur trois jours et que vont y intervenir des femmes venues d’Afrique et d’Asie, d’Amérique et d’Europe, de l‘Ouest et de l’Est, du Nord et du Sud ; toutes se définissant comme féministes en occupant une position sociale différente : syndicalistes, universitaires, chercheuses, militantes d’association, responsables politiques, élues, journalistes, écrivaines... Des positionnements professionnels, sociaux, militants divers, à l’instar de ceux des personnes présentes dans la salles venues écouter mais aussi participer, prendre la parole. Ce mot de « congrès » renvoie aussi à cela : aux paroles de la tribune s’ajoutent les paroles des personnes présentes qui n’ont pas à se laisser intimider par un vocabulaire, un langage, je dirai presque une rhétorique, fut-ce celle de la recherche féministe, ou du militantisme du même nom !
Dans les congrès auxquels je viens de faire une brève allusion, les participantes n’étaient pas, loin s’en faut, toujours d’accord entre elles, et l’on peut deviner que tel sera aussi le cas ici. Je préciserai d’ailleurs d’emblée que les organisatrices de ce congrès n’ont pas été non plus d’accord sur tout. Parfois les débats entre nous ont été rudes et si chacune avait fait seule le « casting », sans doute aurait-il été différent. Mais c’est précisément parce qu’il n’est pas consensuel qu’il est intéressant et pertinent. Il y a donc eu des concessions réciproques, non pas pour aboutir à une position moyenne, pour le formuler plus familièrement mi figue-mi raisin, mais pour s’emparer, affronter des positions et analyses différentes. En effet on ne construit rien sur la peur d’affronter les désaccords, on ne construit rien sur le martèlement de la ligne juste.
Je n’évoquerai que brièvement, dans cette introduction, les problématiques et les enjeux qui seront analysés et débattus pendant ce congrès de trois jours.
40 ans après, le monde n’est plus celui dans lequel se sont déployés les mouvements féministes des années 70. Nous allons donc nous demander ce qu’il en est des femmes dans le monde tel qu’il est devenu, monde multipolaire, monde de pays émergents, monde de l’après soviétisme, monde de l’après 11 septembre... Quels sont les effets pour les femmes de ces changements géopolitiques ? Mais aussi quels effets pour elles de ce libéralisme qui marchandise tout et tout le monde, de cet étalage de richesse sans cesse croissante mêlée à une pauvreté extrême, de cette folie financière qui est en train de mettre à genoux nations et peuples ? Quels effets aussi de la sortie du communisme et de la manière dont cette sortie s’est effectuée ? Quels effets de ce qui est nommé « le retour du religieux », retour qui s’affirme là encore de façon sans cesse croissante sur la scène internationale, tandis que les affrontements ne se disent plus, à l’instar de celui de la seconde partie du vingtième siècle, en termes idéologico-politiques mais en termes religieux, culturels, de « choc des civilisations » ? Et comment ne pas remarquer que c’est principalement sur la place et le rôle des femmes que se joue le dit « conflit de civilisations » ?
Il convient en outre de s’interroger sur les effets pour les femmes des politiques de genre conduites par les organisations internationales puisque celles-ci s’exercent depuis 1975, année que l’ONU décréta « année internationale de la femme », au grand dam des féministes qui y voyaient une forme de récupération. On verra que les enjeux géopolitiques ne sont pas sans incidence sur ces politiques. Mais quels sont leurs objectifs ? Visent-elles à produire de l’égalité des sexes, ou seulement à adoucir la condition des femmes ? Sont-elles au service de finalités purement économiques ? La discrimination de sexe n’est-elle pas noyée dans la discrimination sociale et l’égalité des sexes dans la diversité ? D’autre part les femmes ne font-elles pas les frais de la reconnaissance des diversités culturelles ?
« Et, et » plutôt que « ou bien, ou bien »
Quand je pose ainsi la question « quels effets pour les femmes ? », je sais bien que je la formule mal. Les effets ne sont évidemment pas les mêmes pour toutes les femmes ; ils varient selon les pays, la situation économique, l’appartenance culturelle, religieuse. Ils ne sont pas identiques et pourtant, partout, par delà des modalités et des conséquences sur la vie quotidienne différentes, partout les femmes, ou plutôt des femmes, sont aux premières loges de la précarité, de l’exploitation, de l’enfermement dans des tâches liées au sexe, je consens à dire au genre... Mais partout aussi des femmes en premières lignes de luttes, d’innovations, d’inventions. Femmes victimes, oui, mais pas seulement, femmes actrices aussi. J’avance là ce que je considère comme un fil conducteur, non pas le « ou bien, ou bien » mais le « et, et ». Pas d’univocité en effet, plutôt des associations contradictoires : femmes victimes et actrices, sujets et objets, modalités d’oppression et d’émancipation combinées.
De ces effets, tous, à l’évidence, ne pourront être abordés. Nous avons retenu deux thèmes, deux enjeux : le travail, le corps. Pourquoi ? Ces deux enjeux ont été, sont des fondamentaux du féminisme parce qu’ils concernent toutes les femmes, parce qu’ils conjuguent tous deux égalité et liberté, parce qu’ils sont tous deux sont traversés par la problématique Nord/ Sud. Tous deux aussi sont ambivalents. Le travail comme condition de l’autonomie, de l’indépendance, comme possibilité d’épanouissement mais aussi comme lieu de l’exploitation, de l’aliénation, de la violence... Travail donc comme ce qui libère et ce qui opprime et qui sera ici regardé sous l’angle de sa division internationale, de la place qu’y occupent les femmes, la manière dont ce sont encore, toujours des femmes, mais sans doute pas les mêmes, qui sont assignées au travail du soin, aujourd’hui dit du care, soin domestique, soin aux personnes, enfants, malades, vieillards...
Un autre des fondamentaux du féminisme, la maîtrise et la libre disposition pour les femmes de leurs corps. Maîtrise de la fécondité comme condition de la liberté, c’est le « notre corps nous-mêmes » des Américaines des années 70, le « notre corps nous appartient » du MLF que nous avons repris comme titre de l’une des séquences. Cet enjeu allait évidemment au delà de la fécondité, et donc de la contraception et de l’avortement, il était, il est le droit à disposer librement de son corps, l’affirmation que cette libre disposition est au fondement de la liberté des femmes. Une libre disposition à laquelle les trois grandes religions monothéistes sont opposées. Il a fallu un long combat pour mettre au pas le christianisme, combat sans cesse à reprendre, comme le montre la récente campagne présidentielle au Brésil où la candidate Dilma Rousseff, aujourd’hui élue, a dû donner des gages, affirmer notamment son hostilité à la légalisation de l’avortement. Un exemple parmi d’autres.
Quelle est la traduction, dans un monde inégal, de nos anciens mots d’ordre ? A la marchandisation ancestrale, celle de la prostitution, s’ajoutent d’autres commerces du corps des femmes, notamment celui, transnational, de la maternité de substitution, tandis que dans certains pays, tel l’Inde, le développement économique, qui peut profiter aussi aux femmes, s’accompagne de l’élimination des petites filles. Mais en parlant du care ou de la maternité de substitution, on ne peut pas faire l’économie de quelques questions : comment fait-on pour que l’émancipation des unes ne se fasse pas sur le dos des autres, même si à l’évidence ce n’est pas l’émancipation des femmes ou de certaines d’entre elles qui est responsable de l’état du monde ? Autre interrogation : les « vraies » femmes, j’entends sous ce qualificatif le féminin au sens traditionnel, seraient-elles au Sud ?
Brouillard et brouillages
Le titre de ce congrès n’est cependant pas « les femmes à l’épreuve des mutations géopolitiques » mais « le féminisme à l’épreuve des mutations géopolitiques ». Pourquoi ? Parce que si le monde a changé, le féminisme aussi : des thématiques, des objectifs, des enjeux nouveaux sont apparus tandis que des divergences au sein des mouvements féministes se faisaient jour. Comment un mouvement mondial qui vise l’égalité des sexes et la liberté des femmes ne serait-il pas interpellé par les changements du monde ? Mais aussi par les conséquences de ce qu’il dit et ce qu’il fait ? Il y un fonctionnement dans les deux sens : le féminisme provoque des changements et des changements questionnent le féminisme. Si les femmes ont toujours été prises dans des enjeux sociaux, politiques, économiques, sociétaux, culturels, religieux divers et complexes, si elles ont toujours été une monnaie d’échange entre des hommes, des partis, des factions, des Etats, il convient de regarder et d’analyser les modalités actuelles de ce jeu dans un cadre mondial.
Pour rester un très court moment sur la scène française, nous avons pu observer comment les femmes et le féminisme ont été embarqués – faut-il dire pris en otage ? – dans le calamiteux débat lancé en 2009 par le président de la République et le gouvernement français sur l’identité nationale. N’est-ce pas au nom de l’égalité hommes-femmes qu’Eric Besson, alors ministre de l’immigration, a prétendu porter ce débat, au cours duquel, merci de la bonne nouvelle, nous avons appris que la dite égalité était constitutive de l’identité française ? Nous avons ainsi constaté que ce gouvernement s’adossait au féminisme – même s’il ne prononçait pas le mot – pour masquer – devrais-je dire voiler ! – les motifs de cette affirmation identitaire : reprendre des thèmes remis sur la place publique depuis maintenant un quart de siècle par le Front national, tenter de tirer de cette reprise des bénéfices électoraux, avoir de la dite identité française une conception étroite, exclusive, nationaliste.
Si je récuse cette instrumentalisation du féminisme – ou d’une certaine représentation de celui-ci – par le gouvernement français, je récuse aussi la façon dont d’autres, ceux que ce funeste débat cherche à stigmatiser, instrumentalisent eux aussi les femmes, au nom, disent-ils de la religion musulmane, du moins de la conception qu’ils en ont, en leur donnant une fonction de marquage identitaire, à travers leur visage, leurs cheveux, leur corps, le contrôle de leur conduite, de leur sexualité, Mais peut-être la religion n’est-elle que le prétexte, l’habillage, l’un des visages et des outils de la domination masculine. Double instrumentalisation, à refuser toutes les deux. Sont-elles équivalentes ? Peut-on mettre entre elles un signe égal ? Pour ma part, je m’y refuse. Car les conséquences de l’une sont aujourd’hui moins graves pour les femmes que celles de l’autre, point qui sera aussi traité lors de ce congrès.
Une remarque toutefois : n’est-ce pas cette façon de mettre un signe égal entre des idées ou des comportements ou des interdits ou des obligations ou des politiques qui ne le sont pas qui provoque brouillard, brouillage et confusion ? Ce fonctionnement idéologico-politique n’est pas nouveau. Qui ne se souvient du parti communiste allemand mettant sur le même plan, dans les années 30, socialistes et nazis au motif que ni l’un ni l’autre ne combattait le capitalisme ? Plus près de nous, cette fois dans la comédie pour ne pas dire la farce, certains mouvements gauchistes, plus précisément maoïste, ne nous expliquaient-ils pas qu’entre le régime pompidolien et le fascisme, la différence n’était pas plus épaisse qu’une feuille de papier à cigarette ! Et encore plus récemment, certains n’affirment-ils pas qu’entre les discriminations subies par les unes et celles subies par d‘autres, la différence est infime. N’est-ce pas ce qui se passe lorsqu’un signe égal est mis entre le string et le voile, lorsqu’il est soutenu qu’entre le voilement du corps des unes et le dévoilement du corps des autres, il n’y a pas grande différence, puisque, dans les deux cas, se joue une manipulation, une instrumentalisation du corps des femmes ? Peut-être. Mais ce qui est vrai aussi et encore plus décisif, c’est que le string n’est nulle part obligatoire et que si personne ne meurt de ne pas le porter, certaines femmes meurent de ne pas porter le voile ou la burka. Certes des femmes meurent en France sous les coups de leurs maris et les violences à l’égard des femmes ne sont l’apanage d’aucun milieu social ou culturel. Cependant est-il possible de mettre un signe égal entre toutes les violences ? Entre celles qui relèvent d’un individu et celles qui relèvent d’une politique qui les encourage et les légitime ?
Il faut questionner, analyser, dépasser les instrumentalisations diverses. Mais aussi réfuter les confusions diverses, celles qui par exemple confondent émigration et délinquance, cités et machisme, islam et terrorisme. Aussi celles qui confondent laïcité et racisme, laïcité et islamophobie. Le brouillage est encore du côté de celles et ceux qui voudraient nous faire croire que les luttes contre les multiples visages de la domination masculine se font dans l’oubli des autres formes d’oppression, de race ou de classe. Les féministes n’ont-elles pas, depuis longtemps, renversé le propos ? A la place de : pas d’émancipation des femmes sans émancipation économique, politique, nous avons dit : pas d’émancipation économique, politique, sociale etc. sans émancipation des femmes.
Ne convient-il pas enfin de détricoter toutes les accusations posées à l’encontre du féminisme ? Dans les années 70, les féministes étaient ridiculisées, qualifiées d’ « hystériques », « mal baisées », « gouines », « ennemis du désir et de l’amour »... Ensuite le féminisme devint ringard, une vieillerie dépassée. Depuis quelques années, d’autres accusations sont portées : le féminisme serait occidental, néocolonial, raciste, complice de l’impérialisme. C’est le féminisme qui bombarde l’Irak et l’Afghanistan, le féminisme qui est responsable de la pauvreté des femmes du Sud, le féminisme qui stigmatise les populations ! Ainsi le féminisme n’est plus seulement « bourgeois », vieille antienne contre les suffragettes du 19ème siècle, ou contre celles qui refusaient d’attendre les lendemains qui chantent.
Faut-il prendre au sérieux ces accusations ? En rangeant le féminisme dans le camp des oppresseurs, en l’arrimant à l’Occident, donc en lui refusant un caractère d’universalité, ne cherche-on pas à affaiblir les femmes qui, partout, et parfois en prenant de grands risques, luttent contre les discriminations et pour leur liberté de femmes ? Ne faut-il pas voir aussi dans ces accusations une manière de faire passer les femmes et leurs luttes au rang de front secondaire ? Ou encore d’occulter qu’entre le public et le privé, les différences ne sont pas si grandes, raison pour laquelle nous avons mis en exergue de ce congrès une citation de Virginia Woolf, extraite de ce magnifique texte Trois guinées écrit en 1938 : « L’univers de la vie privée et celui de la vie publique sont inséparablement liés. Les tyrannies et les servilités de l’un sont aussi les tyrannies et les servilités de l’autre . » Ou encore de taire la valeur universaliste de l’égalité et de la liberté. Et qu’on ne donne pas aux féministes des leçons de critique de l’universalisme. Nous savons bien en effet que ce mot peut être mensonger, que peut être nommé « universel » ce qui n’est que particulier ou partiel, ainsi du suffrage qualifié d’universel alors que les femmes en étaient exclues ! L’universel abstrait, les femmes dans leurs luttes ont su le démasquer.
Pour autant faut-il abandonner cet enjeu de l’universalité ? Sûrement pas. Je persiste à affirmer que l’égalité et la liberté valent pour toutes (et tous) même si les chemins pour y parvenir sont à l’évidence différents. On nous rebat les oreilles des différences de cultures. Bien sûr il y a des cultures. Bien sûr des différences existent. Mais doivent-elles servir d’alibis aux discriminations à l’égard des femmes ? Aux injustices qui pèsent sur elles ? A leur oppression ? Faut-il transformer ces différences en assignations identitaires ? Et au delà de ces différences, ne faut-il pas mettre l’accent sur ce qui rapproche, et même ce qui unit ? Pour prendre un exemple personnel : je suis allée à plusieurs reprises en Afghanistan. J’y ai rencontré des femmes appartenant en effet à une culture différente. Mais ces différences étaient moins fortes que ce qui m’unissait à ces femmes qui, sous les Talibans, au risque de leur vie et de leur liberté, avaient maintenu dans la clandestinité l’éducation des filles. J’ajoute – et ce n’est pas subsidiaire – que je suis lasse, quant à moi, de l’enfermement des êtres dans des cultures ou des ensembles prétendument homogènes qui fait disparaître les individualités.
Une politique féministe
J’ai le sentiment d’énoncer des évidences. En effet, ce sont des évidences. Pourtant tout indique qu’elles ne le sont pas pour certain(e)s, y compris au sein des mouvements de femmes, y compris du côté de celles qui reprennent à leur compte le mot « féminisme ». Arrivée à ce point de mon propos, je ne peux pas ne pas poser une autre question qui part de la scène française mais qui la dépasse.
Qu’est-il arrivé au mouvement féministe français pour que deux de ses initiatrices (je ne parle pas de fondatrices car un mouvement comme le MLF ne fonde pas) se retrouvent aujourd’hui en opposition totale sur toutes les questions liées au voile, à la religion, aux alliances politiques, aux enjeux géopolitiques ? Pour l’une , la lutte contre le voile n’est que le masque, l’alibi de l’impérialisme, du néocolonialisme, et pour faire court de l’Occident ; pour l’autre le voile, signe manifeste de l’oppression des femmes et de l’emprise de l’islamisme, justifie toutes les alliances politiques, y compris avec des gens opposés depuis toujours au féminisme et à la liberté des femmes, y compris avec l’extrême droite. Toutes deux s’affirment féministes. A l’une et à l’autre n’est-il pas légitime de demander si au fond, les femmes ne sont pas devenues pour elles un prétexte, pour énoncer d’autres enjeux, pour régler d’autres comptes, et emprunter du même coup, chacune à sa manière, de dangereux chemins avec de dangereux alliés ?
Je viens d’emprunter un exemple à la scène française mais nous le constatons depuis plusieurs années maintenant, c’est le mouvement féministe dans son ensemble qui est divisé.
Est-il possible de débrouiller les confusions, les amalgames ? De sortir des accusations et intimidations réciproques ? De tenter d’y voir un peu plus clair, ce qui ne signifie pas éliminer les désaccords. Je l’ai dit d’emblée : les désaccords et leur confrontation peuvent être fructueux. Et je ne vois pas pourquoi il ne devrait pas y avoir des désaccords et des divergences entre féministes. Ce que je mets en question, c’est le goût des positions simples, des analyses trop simplistes. Que la conscience de la complexité empêche l’action, je ne le crois pas. C’est la simplicité qui empêche l’action, ou plutôt commande des actions mauvaises, inadaptées, non efficaces. La simplicité mène à l’agitation et on le voit bien en France où un président de la République s’agite beaucoup mais agit peu.
Or la réponse à l’une des questions qui sous-tend ce congrès - Qu’est-ce qu’une politique féministe aujourd’hui ?- ne peut pas être simple. Il faut en effet cerner les différentes oppressions et les différents chemins pour les battre en brèche, comprendre ce qui toujours résiste, toujours fait obstacle, donnant ainsi parfois le sentiment d’une répétition, presque d’un rabâchage des mêmes dénonciations et des mêmes revendications, sortir d’une vision binaire de la réalité, tenir plusieurs bouts en même temps, pour dire ce que signifie dans le monde d’aujourd’hui égalité des sexes et liberté des femmes, de toutes les femmes.
Un mot encore pour conclure cette ouverture : c’est après avoir assisté à un congrès féministe international que Marguerite Durand fonda le quotidien La fronde. De ce congrès dont la tenue est en soi un petit événement, j’ignore ce qui sortira. Un quotidien ? C’est peu probable. Mais un site internet, un réseau, un think tank, pour une stratégie féministe, une politique féministe, pourquoi pas?
Françoise Picq
Le féminisme : quarante ans de changements
En ce temps là la vie était plus belle,
et le soleil plus brûlant qu’aujourd’hui !
paroles: Jacques Prévert
musique: Joseph Kosma
Quarante ans c’est bien l’âge des bilans. Et puisque nous avons décidé de célébrer les quarante ans du MLF, l’occasion de revenir sur ce qu’a été le mouvement des femmes ; de le regarder avec le recul, comme phénomène historique international, avec ses particularités nationales. De rappeler les espoirs qu’il a portés, les changements qu’il a impulsés dans la vie des femmes, dans les rapports entre les femmes et les hommes. De voir comment il a changé les représentations, les modèles sociaux… Et de l’autre côté, de souligner les obstacles qu’il a rencontrés, les écueils dans lesquels il est tombé.
Tout au long de cette année 2010, de nombreux colloques ont fait revivre cette histoire : Il y a eu le Colloque international d’ « Archives du féminisme » du 20 au 23 mai à Angers : « les féministes de la 2° vague, actrices du changement social[1]. » Il y a eu le 5 juin celui de l’Institut Emilie du Châtelet : « Quarante ans de pratiques féministes en Ile de France » ; le 25 septembre celui du Collectif national pour les Droits des femmes (CNDF) : « Faire et écrire l’histoire : féminisme et lutte de classes de 1970 à nos jours » ; les 23 et 24 octobre le colloque de la Coordination lesbienne de France (CLF) : « Mouvement des lesbiennes, lesbiennes en mouvement ». Chacun d’entre eux a remémoré l’histoire et les problématiques des différents courants d’un mouvement des femmes qui était divers et contradictoire. Il y a eu le 18 novembre la réunion, à l’initiative du réseau féministe Ruptures : « Les engagements féministes face aux intégrismes et aux pouvoirs politico-religieux : solidarités, acquis et limites. » Et je n’oublie pas les rencontres et débats autour du cinéma et de la vidéo (« Quand les femmes s’emparent de la caméra » au Forum des images du 11 au 14 mars), ni les expositions, projections et débats au FIAP Jean Monnet de septembre à novembre[2].
L’objectif du congrès féministe international : « Le féminisme à l’épreuve des mutations géopolitiques » est de prendre en compte les grands changements du monde depuis la belle époque du MLF et d’y confronter la pensée féministe. Pour avancer dans la reconstruction d’enjeux féministes par rapport au monde tel qu’il est devenu. Pour redéfinir les bases politiques du féminisme aujourd’hui.
En ce temps là la vie était plus belle, et les choses étaient plus claires. Le féminisme nous fournissait une grille de lecture du monde où nous vivions. Mais ce qui paraissait évident aux féministes des années soixante-dix les amène aujourd’hui à des positions radicalement opposées, au nom du même féminisme. Les ruptures que nous avons effectuées ont connu des prolongements beaucoup plus problématiques. Dans un contexte de libéralisme et de marchandisation à outrance, l’affirmation de la liberté peut déboucher sur des choix qui sont en contradiction avec le projet d’émancipation de l’individu. Quant à la revendication de l’égalité, on verra qu’elle n’est pas sans risque pour les acquis de nos luttes. On peut aussi se demander si le radicalisme que nous affichions fièrement, n’a pas conduit à une fuite en avant et à des dérives sectaires.
« Le monde change ! Pourquoi pas nous ? »
Le MLF était l’enfant de Simone de Beauvoir et de Mai 68. Notre génération politique a été formée dans la lutte contre la guerre d’Algérie, puis contre la guerre du Viêt-Nam, avec aussi en toile de fond la lutte des Noirs américains qui nous a légué le modèle de la non-mixité. En héritier rebelle du mouvement de 68, il a prolongé les conceptions politiques et les aspirations libertaires de celui-ci. Notamment en politisant les questions de la vie personnelle. « Tout est politique ! » est devenu « Le personnel est aussi politique ». Et c’est en faisant sécession par rapport aux groupes militants dont il était issu que le mouvement des femmes a pu exister. Le MLF faisait une critique féministe du gauchisme (qui dédaignait les problèmes des femmes et reproduisait en son sein ce qu’il dénonçait par ailleurs : la hiérarchie, la division sexuelle du travail militant (les hommes au micro, les femmes à la ronéo), la supériorité des spécialistes/ théoriciens (sur ceux/celles qui connaissent l'oppression parce qu'ils/elles la vivent).
Le MLF a posé la nécessité d'être soi-même l'objet de sa propre lutte et affirmé qu'il n'y a pas d'autre savoir sur l'oppression que celui de son propre vécu. La lutte de chacune pour sa propre libération coïncidait avec la lutte commune pour la libération de toutes. Nous avons inventé une nouvelle façon de militer, en articulant l'individuel et le collectif, où le projet révolutionnaire n'était plus un objectif, mais un processus en œuvre. Et ce n’était pas un projet catégoriel, puisque, nous le proclamions : « En se libérant les femmes libéreront l’humanité toute entière ». Le MLF a porté le flambeau de 68 et des valeurs collectives longtemps après que le mouvement social dont elles venaient ait pratiquement disparu.
En ce temps là, le marxisme était le moyen d’analyser la société, bourgeoise et patriarcale, et de mettre au jour l’envers du libéralisme. C’était aussi le moyen de comprendre la situation des femmes en termes sociologiques, donc de rompre avec l’idéologie naturaliste, comme d’ailleurs l’avait fait Simone de Beauvoir. Pour autant nous refusions que la question des femmes soit considérée comme secondaire et renvoyée aux lendemains qui chanteraient. Il ne s’agissait pas de substituer la lutte des femmes à la lutte des classes, mais de ne pas subordonner l’une à l’autre.
En ce temps là, être féministe c’était affirmer qu’il y a une solidarité entre les femmes, par-dessus les différences de classe et que les rapports entre les hommes et les femmes sont aussi des rapports sociaux. Qu’il n'y a pas un groupe social qui soit à lui seul porteur de la révolution, mais que chaque groupe social doit choisir ses enjeux et ses moyens de lutte. C’est ainsi que le féminisme a imposé une vision plus complexe de la société et de ses diverses contradictions. Il refusait que les femmes fassent les frais des autres contradictions. Par exemple qu’elles aient à supporter le viol, au prétexte de la misère sexuelle des jeunes hommes (notamment immigrés) ou parce qu’il ne fallait pas en appeler à la justice bourgeoise. Ou encore qu’il soit interdit de dénoncer des oppressions spécifiques, au nom du respect des « différences culturelles », (cela a été le cas pour l’excision ou encore pour le soutien aux féministes iraniennes qui refusaient le voile en 1979).
En ce temps là, nous n’acceptions pas que les femmes soient accusées de diviser le prolétariat, ou de faire le jeu des racistes, comme si on ne pouvait dénoncer qu’une oppression à la fois.
En ce temps là, les divisions du monde étaient relativement claires. Il y avait deux blocs en compétition, qui maintenaient un certain équilibre de la terreur, et puis le Tiers Monde qui cherchait à s’émanciper. Le féminisme était évidemment du côté de la contestation, des révoltes, des luttes de libération nationales : anticapitaliste, anticolonialiste, anti-impérialiste, mais pas pour autant rallié au bloc de l’Est.
Les choses ont commencé à changer à la fin des années 1970. C’était le temps des grandes victoires (le vote de la loi Veil en 1975, la victoire idéologique : les thèmes, les mots d'ordre, les analyses féministes repris dans médias, récupérés par institutions nationales et internationales, pris en compte par les politiques, les partis, les syndicats) ; mais c’était aussi le début de la crise. Crise économique, crise des valeurs, crise des idéologies ; c’était le temps du désenchantement révolutionnaire.
Le mouvement des femmes a connu un reflux dans tous les pays ; plus ou moins violent ou sournois selon les cas. Aux Etats-Unis, la nouvelle droite sous l'ère Reagan remettait en cause les acquis. Ailleurs comme en France ceux-ci étaient moins menacés. Mais les féministes étaient dénigrées, ringardisées, tandis que la société « patriarcale » digérait le féminisme et s’adaptait. Diffusion et Récupération ; institutionnalisation du féminisme ; grignotage et délégitimation. Les années 1980 furent celles de la défense des acquis et des mobilisations contre le racisme et l’extrême droite (collectif féministe contre le racisme, comité homosexuel et lesbien antifasciste, CADAC – Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception-, collectif féministe contre le viol…[3]). Le mouvement féministe a peu pensé le choc des mutations géopolitiques des années 80 et 90. Quand l’impérialisme américain a été vaincu au Viêt-Nam, le socialisme réel n’a plus montré que son visage inhumain, du goulag à Phnom Penh et à Ho Chi Minh-ville. Alors le rejet du totalitarisme a entraîné la victoire idéologique du libéralisme.
Le premier choc politique a été la révolution khomeyniste en Iran, qui bouleversait nos schémas. C’était un mouvement populaire, anti-impérialiste qui renversait le shah, mais qui le faisait au nom de la religion et qui renvoyait les femmes à la tradition. Ensuite il y a eu 1989 et la chute du mur de Berlin. Les féministes, comme l’extrême gauche, avaient dénoncé la perversion de l’idéal socialiste et soutenu les dissidents (et les dissidentes). Mais ce qui a triomphé c’est le libéralisme et le marché, auxquels les peuples d’Europe de l’Est se sont ralliés dans l’enthousiasme, en dédaignant les critiques de gauche qui avaient lancé la révolte populaire. Nous n’avons pas assez mesuré à quel point la disparition de l’ennemi allait faire perdre toute retenue au capitalisme triomphant (dérégulations, retrait de l’Etat, abandon des services publics, domination du capitalisme financier, néo-libéralisme : tout devient marchandise. On est revenu à l’époque de la « grande transformation » de Karl Polanyi[4].
Dans les analyses politiques qui sont faites de ces bouleversements, jamais la dimension du féminisme et la question des femmes ne sont envisagées. Il y a pourtant là un éclairage indispensable. Mais c’est bien à nous de le proposer.
Le coup de tonnerre du 11 septembre 2001 a mis en lumière une nouvelle division du monde, dont les lignes de fractures ne sont plus celles de la guerre froide. L’islamisme s’est substitué au communisme comme antithèse au monde « libre ». La religion est revenue sur le devant de la scène politique, comme explication d’un conflit mondial. Et les femmes sont devenues un enjeu dans la lutte entre modernité occidentale et tradition obscurantiste. L’occident libéral est à nouveau violemment rejeté : dans sa dimension impérialiste, de domination de l’argent ; mais aussi par refus de la modernité, en particulier de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la liberté individuelle. Cela pose un défi au féminisme qui est d’abord une aspiration à l’émancipation des individu-e-s. Le contexte géopolitique actuel nous oblige à reconsidérer, avec un point de vue féministe, les grandes questions politiques, les grands principes démocratiques. A repenser la question de la modernité dans ses différentes composantes : la laïcité, le libéralisme, la tension entre liberté et égalité. Et aussi celle de l’universalisme et de la différence des sexes.
Le communisme prétendait dépasser l’Occident en modernité et réaliser l’idéal d’émancipation. Il ne reniait ni le matérialisme, ni la sécularisation du politique. La religion était « l’opium du peuple », et le communisme voulait substituer à l’espérance de salut éternel un projet de « salut terrestre ». En ce qui concerne les femmes, il prétendait à une libération véritable. L’islamisme au contraire voit la modernité comme un blasphème et veut remettre les femmes à leur place traditionnelle, au nom d’une loi supérieure à celles des humains.
Cela nous incite à regarder autrement le post-modernisme, qui a été à la mode dans une tendance avancée du féminisme (plus d’ailleurs dans les pays anglo-saxons qu’en France, bien qu’on appelle cela « French theory »). Le post-modernisme se voulait subversif en contestant le progrès, l’universalisme, en proclamant la mort du sujet et des identités collectives. Il marquait une rupture avec le féminisme existentialiste de Simone de Beauvoir, dont l’objectif était la réalisation de soi comme sujet. Et tout autant une rupture avec le projet collectif du féminisme des années soixante-dix.
Le retour du religieux n’a pas attendu le 11 septembre 2001. L’offensive est venue d’abord du Vatican et clairement contre la liberté des femmes de disposer de leur corps. La Conférence mondiale sur la famille en 1984 a marqué un tournant, orchestré par le pape Jean-Paul II, qui a aussi joué un rôle important dans la chute du communisme. Le féminisme, en France, a toujours eu partie liée avec le combat laïc et républicain, même s’il a dû se battre pour y avoir une place. Et l’émancipation des femmes est intimement liée aux conquêtes laïques : par l’école publique, gratuite, laïque et obligatoire ; par le divorce (Loi Naquet, 1884), le mariage n’est plus un sacrement, indissoluble, mais un contrat entre deux individus.
Dans les années 1970 le féminisme n’a pas toujours été perçu comme un combat laïc, tellement la laïcité allait de soi, entre le consensus républicain et la domination idéologique du marxisme. Mais le droit à l’avortement et à la contraception, a bien été une conquête laïque contre les morales et pouvoirs religieux[5]. Les camps qui se sont dessinés pour ou contre le droit à l’avortement étaient clairement structurés autour de la religion catholique. Nous avons trouvé des alliés parce que notre lutte s’inscrivait dans les conflits traditionnels entre les « deux France » ; défense de la laïcité et de la liberté individuelle contre l’emprise de la religion et l’ordre moral. Avec la « croisade » anti-avortement du Vatican, les choses sont devenues claires. Aujourd’hui, l’avortement (avec le préservatif et l’homosexualité) est le marqueur de l’opposition entre catholicité et laïcité. En Europe où l’Irlande, la Pologne, Malte interdisent toujours l’avortement. Mais aussi en Amérique latine où même la gauche, de gré ou de force, a dû souscrire à la « défense de la vie ».
La question de la laïcité se pose aujourd’hui de façon nouvelle avec la question du voile islamique, qui est le signe ostensible du refus du modèle de l’intégration et de la liberté individuelle de la femme. S’interroger sur l’actualité de la laïcité et de sa définition du pacte social, c’est nécessairement voir la question des femmes au cœur de l’organisation de la vie sociale. Parce qu’elle interroge la distinction du privé et du public, et la confrontation entre normes religieuses et laïques dans des sociétés multiculturelles. Le féminisme se divise à ce sujet, à cause de l’entrecroisement avec l’antiracisme. Une ligne de fracture divise les féministes, comme d’ailleurs elle divise d’autres courants politiques (à l’extrême gauche, chez les écologistes ou les altermondialistes..). D’un côté il y a celles (et ceux) pour qui la priorité reste la lutte contre l’impérialisme, qui peuvent tolérer des pratiques sexistes au nom du « relativisme culturel », et des alliances douteuses au nom de l’antiracisme. De l’autre côté il y a celles (et ceux) pour qui le danger principal est le totalitarisme. Ceux/celles là (dont je suis) peuvent critiquer le modèle occidental ; mais ne peuvent pas rejeter en bloc le libéralisme.
Libéralisme, question complexe
En France le libéralisme a mauvaise presse. On le rejette en bloc. N’y voyant que le désengagement de l’Etat, la soumission à la loi des marchés. C’est pourquoi le non l’a emporté au référendum européen. Nombreuses sont les féministes qui ont voté non, malgré la démarche communautaire de construction de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il est vrai que dans le monde hyper-libéral d’aujourd’hui les inégalités sociales explosent, entre les classes sociales, mais encore plus à l’échelle mondiale.
Que signifie la liberté quand tout est devenu marchandise, négociable, soumis à la loi de l’offre et de la demande ? Ou encore quand c’est la liberté de se soumettre qui est revendiquée, au nom d’une norme supérieure à celle du libre-arbitre ? Que ce soit à propos du voile islamique, de la prostitution, des mères porteuses…, c’est toujours la liberté qui est mise en avant. De la même façon qu’à la Libération l’idéologie du « libre choix » avait permis la mise à l’écart des femmes du marché du travail. La liberté de disposer de son corps aujourd’hui deviendrait celle de le vendre ! La liberté n’est pas une valeur absolue, comme l’histoire l’a bien souvent montré..
N’empêche que le libéralisme comporte plusieurs dimensions, qui sont à la fois liées et contradictoires. Il me semble important, d’un point de vue féministe, de les décomposer, car toutes ne doivent pas être traitées de la même façon. La dimension économique du libéralisme est aujourd’hui la plus visible. C’est le triomphe du capitalisme, la dérégulation de l’économie, la remise en question de l’Etat-providence et des solidarités sociales. Il faut bien sûr le combattre. Mais avec quel objectif ? Le projet de lui substituer un autre mode de production et d’échange est bien enterré. Reste la nécessité impérieuse de résister, d’opposer aux lois du marché d’autres règles. De les contrecarrer au nom d’autres principes supérieurs. De remettre l’économie à sa place.
Dans sa dimension politique, le libéralisme est le système qui fonde les démocraties occidentales : l’Etat de droit, la séparation des pouvoirs, la démocratie représentative, avec ses limites, ses règles d’équilibre, ses contre-pouvoirs. C’est la République, qui distingue entre ce qui est public : Res publica, et ce qui échappe à la règle collective : le privé. Insatisfaisant certainement, le libéralisme politique est une garantie contre le totalitarisme. On peut le critiquer, le mettre en question ; mais certainement pas y renoncer. Le MLF n’avait pas craint de mettre en cause la distinction du privé et du public, avec un succès certain, mais aussi bien des dérives[6]. Nous étions assez optimistes en ce temps-là pour prendre de tels risques.
Il y a aussi la dimension culturelle du libéralisme, si importante en ce temps-là et si oubliée aujourd’hui[7]. C’est pourtant elle qui a fait la richesse des années 1968. L’affirmation de la liberté et de l’épanouissement de l’individu contre la morale du devoir et le respect inconditionnel de la tradition et de l’autorité. C’est dans ces aspirations-là que le féminisme a pris sa source et défini ses exigences : le droit des femmes à disposer de leur corps, le choix de sa sexualité, la primauté de la liberté individuelle sur l’ordre moral. Concevoir le féminisme sans cette dimension du libéralisme culturel relève certainement du paradoxe[8] . Il me semble donc que le libéralisme est une notion trop complexe pour qu’on puisse le revendiquer ou le récuser en bloc.
Universalisme et différence des sexes
En ce temps là, la complexité se disait en peu de mots. Le choix de l’universalisme contre le particularisme n’obligeait pas à occulter toute spécificité. Il suffisait de souligner qu’ « Un homme sur deux est une femme » pour tenir par les deux bouts l’universel et le particulier : l’appartenance au genre humain et l’identité de genre.
Avec Simone de Beauvoir, le MLF considérait la féminité comme « une construction culturelle et non une donnée naturelle ». Cela ne l’empêchait pas de se mobiliser pour des droits spécifiques. La « libre disposition de son corps » était l’exigence première pour construire son autonomie ; l’Habeas corpus des femmes, comme dit Geneviève Fraisse. Avec le temps, avec les conflits et la rupture du MLF, les positions se sont figées en oppositions. Certaines ont privilégié la spécificité, célébrant « Ce qui fait la force, la jouissance des femmes : produire de la vie ! ». D’autres n’ont plus voulu voir dans la différence des sexes que le résultat de l’oppression et des rapports sociaux, puisque « Le genre précède le sexe ». Par phobie du modèle hétérosexuel et de la complémentarité, le féminisme radical a dès lors fait l’impasse sur la question de la maternité, oubliant qu’elle est un enjeu primordial du patriarcat. Il a préféré mettre l’accent sur la subversion des identités sexuelles, le brouillage des catégories de sexe et des identifications masculines et féminines. Cette démarche de déconstruction / reconstruction, que le féminisme avait impulsée, a été prolongée par les mouvements gays et lesbiens, et p
Le soutien, aussi nécessaire que légitime, aux revendications des homosexuels utilise parfois une argumentation dangereuse pour les droits des femmes. Au nom de l’égalité entre les sexes et entre les sexualités, certain-e-s contestent la « différence des sexes » jusque dans l'ordre de la parentalité et de la filiation. Ils/elles dénoncent le pouvoir abusif des mères, non seulement concernant les enfants du divorce ; mais aussi par rapport au droit à l’interruption de grossesse[10]. On peut certainement participer à la lutte contre les discriminations à l'égard des homosexuel-le-s, notamment en ce qui concerne la garde des enfants du divorce ou l'adoption, soutenir les revendications des couples homosexuels à se marier s’ils le souhaitent[11], et à former une famille, sans pour autant remettre en question la prééminence des femmes concernant leur propre grossesse. Le droit des femmes à disposer de leur corps est un acquis fragile du féminisme.
D’un côté l’identité de genre est niée, d’un autre c’est l’universalisme qui est contesté. Celui-ci, et le féminisme qui lui est lié, ne seraient que le masque de la domination occidentale. Le Black feminism [12] dénonce le racisme inconscient des féministes blanches. Les féministes « postcoloniales » accusent les occidentales d’imposer leur vision du féminisme, leurs concepts et leur projet politique comme universels[13], alors qu’ils sont ancrés dans la modernité occidentale. Certaines soulignent que le droit à l’avortement, la libération sexuelle, ne sont pas l’objectif principal pour toutes les féministes du monde. Le ressentiment des femmes noires et du tiers monde s’exprime dans les Conférences mondiales. Lui fait écho celui de femmes de l’Europe postcommuniste. A l’universalisme, on oppose alors la diversité des féminismes.
C’est une parole qu’il faut entendre, certes. Mais sans oublier les risques d’un abandon de l’universalisme au profit d’une vision relativiste des cultures et d’une politique de l’identité. Le respect des cultures dans leur diversité ne signifie pas qu’il faille les considérer comme équivalentes. Comme le disaient déjà Fourier et Marx, le degré de civilisation des sociétés se mesure à la place qu’elles accordent aux femmes. Il faut aussi se méfier du relativisme qui enferme les femmes dans leur culture d’origine, leur interdisant toute dissidence ; alors qu’il y a toujours parmi les femmes concernées des points de vue radicalement opposés. On a vu des femmes africaines défendre l’excision comme une partie de leur culture ; mais bien d’autres combattre cette pratique patriarcale dangereuse et mutilante. Certaines jeunes filles musulmanes considèrent sans doute la loi française interdisant les signes religieux ostensibles à l’école comme une atteinte à leur liberté religieuse ; mais beaucoup d’autres la voient comme une protection. C’est celles-ci, surtout, que les féministes universalistes doivent soutenir.
La contestation de l’universalisme au nom de la diversité des féminismes rejoint la critique « post-moderniste », qui remet en question le modèle issu des Lumières et la centralité du sujet. Elle reçoit aussi le soutien d’un courant féministe qui, par préférence pour le radicalisme, cherche à fédérer les positions dissidentes dans les controverses actuelles (prostitution, voile islamique, laïcité) pour mieux s’opposer à ce qui serait un féminisme blanc, dominant, institutionnalisé. Le débat a son intérêt, mais il comporte un risque par les polémiques destructrices qui l’accompagnent[14].
[1] Dont les Actes vont être publiés, sous la direction de Christine Bard, aux Presses universitaires de Rennes.
[2] Et aussi tout le reste : expositions de photos, manifestations symboliques ou plus revendicatives, fêtes… Voir le blog : http://re-belles.over-blog.com/
[3] Monique Dental, Claudie Lesselier, Marie-Josée Salmon, Groupe transversal Laïcité, « Luttes féministes contre les intégrismes et les pouvoirs politico-religieux et pour la laïcité en France de 1989 à 2009, Chronologie », octobre 2010.
[4] Karl Polanyi dénonçait en 1944 la société de marché, c'est-à-dire la société gérée en tant qu’auxiliaire du marché, où le travail, la terre et la monnaie sont soumis à la loi de l’offre et de la demande, comme n’importe quelle marchandise, et qui est à l’origine des catastrophes du début du XX° siècle (Grande dépression, nazisme, fascisme, seconde guerre mondiale). Il pensait alors assister à la fin de ce système qui avait entraîné un « véritable abîme de dégradation humaine ». La grande transformation, Aux origines politiques et économiques de notre temps, (Editions Gallimard, 1983).
[5] Voir les affiches et slogans féministes qui déniaient au « pape qui n’en a jamais eu », le droit de « décider du nombre de nos enfants » (MLF, Textes premiers, Stock 2009, p. 170-171).
[6] L.Kandel, « Du politique au personnel : le prix d’une illusion », in GEF Paris7 Crises de la société, féminisme et changement, (Revue d’en face-Editions Tierce, 1991) ; F.Picq, "Le personnel est politique", Féminisme et for intérieur", in C.U.R.A.P.P, Le For intérieur, P.U.F, 1995.
[7] Voir Le libéralisme culturel face au nouvel ordre moral, Intervention, n°17, juil./Août/Sept1986
[8] Le collectif « féministes partout » se réclame de ce « féminisme paradoxal» qui voit l’émancipation comme une injonction du féminisme dominant, néo-colonial. (Collectif Féministes partout, Paris mars 2010, http://feministespartout.blogspot.com/.
[9] F.Picq, « Vous avez dit queer ?, la question de l’identité et le féminisme », Réfraction, n°24, « des féminismes en veux-tu, en voilà ! », mai 2010.
[10] Voir Monique Boireau-Rouillé, « A propos du féminisme pseudo-libertaire de M.Iacub », Réfraction, n° 24
[11] Même si en ce temps là, ce n’était pas notre idéal de libération. Je n’entre pas dans le débat sur les mères porteuses, trop compliqué pour être traité en quelques mots.
[12] Black feminism, anthologie du féminisme africain-américain, 1975-2000, Elsa Dorlin, L’Harmattan, Bibliothèque du fémisme, 2008.
[13] Cheryl Mc Ewan, « Féminisme « occidental » et autres féminismes : politique postcoloniale et transversale », in Université des femmes, Diversité des féminismes, Bruxelles, 2008.
[14] D’ailleurs le message des « printemps arabes » n’est-il pas que la liberté, la démocratie sont des aspirations universelles.